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À David d’Angers

x(Sur une statue d’enfant.)
 
 
L’enfant ayant aperçu
             (À l’insu
De sa mère, à peine absente)
Pendant au premier rameau
              De l’ormeau
Une grappe mûrissante ;
 
L’enfant, à trois ans venu,
              Fort et nu,
Qui jouait sur la belle herbe,
N’a pu, sans vite en vouloir,
              N’a pu voir
Briller le raisin superbe.
 
Il a couru ! ses DIX doigts
              À la fois,
Comme autour d’une corbeille,
Tirent la grappe qui rit
              Dans son fruit.
Buvez, buvez, jeune abeille !
 
La grappe est un peu trop haut ;
              Donc il faut
Que l’enfant hausse sa lèvre.
Sa lèvre au fruit déjà prend,
              Il s’y pend,
Il y pend comme la chèvre.
 
Oh ! comme il pousse en dehors
              Tout son corps,
Petit ventre de Silène,
Reins cambrés, plus fléchissants
              En leur sens
Que la vigne qu’il ramène.
 
À deux mains le grain foulé
              A coulé ;
Douce liqueur étrangère !
Tel, plus jeune, il embrassait
              Et pressait
La mamelle de sa mère.
 
Âge heureux et sans soupçon !
              Au gazon
Que vois-je ? un serpent se glisse,
Le même serpent qu’on dit
              Qui mordit,
Proche d’Orphée, Eurydice.
 
Pauvre enfant ! son pied levé
              L’a sauvé ;
Rien ne l’avertit encore.—
C’est la vie avec son dard
              Tôt ou tard !
C’est l’avenir ! qu’il l’ignore !

Pensées d’août (1837)

#ÉcrivainsFrançais

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