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Aube

La nuit grasse, penchée au bord de ses abîmes,
Contemple les jardins du jour qui disparaît.
Moins longtemps que l’éclair, sur le couteau du crime,
Ils ont fleuri.
Déjà s’efface le portrait.
 
D’un monde que la mort harcèle et précipite.
Que jaillissent les feux des phares, des bûchers,
Que les soleils lointains, les comètes prescrites
 
S’allument !
Ce ne sont, près du mourant couché,
Que veilleuses, tremblant au courant d’air des portes
Ouvertes sur la terre et sur l’immensité.
 
Tout est nuit, tout est mort, tout est seul, mais qu’importe
Si l’on eut un instant, sous le soleil d’été,
L’illusion de l’amour et de la plénitude.
 
Viens donc, nuit incomprise et trompeuse et dis-nous
Que les baisers fiévreux, que les creuses études
Sont plus sages ici que, dites à genoux,
La prière du lâche et celle du débile.
 
La nuit grasse est tombée en des gouffres connus
Où le jour la suivra d’une chute docile
Car il dresse déjà sur les monts son corps nu.
 
Il se baigne à la source, il franchit la vallée,
Il pénètre la mer de son reflet puissant.
Le cortège des bruits va prendre sa volée
Pour chanter le retour du bel adolescent.
 
Éteignez tous les feux et dispersez la cendre,
Le jour est bon à vivre et l’heure est bonne à prendre.
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