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Le colin-maillard

               Fable III, Livre II.
 
               À ma femme Sophie.
 
 
             Que  j’aime le colin-maillard !
C’est le jeu de la ville et celui du village ;
Il est de tout pays, et même de tout âge ;
Presque autant qu’un enfant il égaye un vieillard.
             Voyez comme il se précipite,
             Sans penser même aux casse-cous,
             Comme il tourne, comme il s’agite
Parmi ce jeune essaim de folles et de fous ;
Ce jeune homme enivré qu’on cherche et qu’on évite.
Quel plaisir ! il poursuit vingt belles à la fois ;
Comme la moins sévère il prend la plus farouche ;
             S’il n’y voit pas, du moins il touche ;
             Ses yeux sont au bout de ses doigts.
             Que dis-je ? hélas ! tout n’est pas fête.
Au lieu des doux attraits qu’on croit en son pouvoir,
             Si l’on rencontre pot au noir,
             Jeune homme ; alors, gare à la tête.
 
En amour, comme au jeu qu’en ces vers nous chantons,
Un bandeau sur les yeux, on s’attrape à tâtons.
De son aveuglement, sage qui se défie,
Et qui, même en trichant, cherche à voir tant soit peu.
Mais c’est ainsi, dit-on, que l’on friponne au jeu ;
C’est ainsi qu’on y gagne, et que j’ai pris Sophie.

Fables, Livre II (1812)

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