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Le coq et le chapon

               Fable XIV, Livre IV.
 
 
             « L’excellente caricature ! »
Disait un jeune coq en riant aux éclats :
             Un chapon, malgré l’aventure
Qui l’oblige au moins gai de tous les célibats,
             Vouloir être chef de famille !
De poussins quelle bande autour de lui fourmille !
             S’il était sincère aujourd’hui,
             Il conviendrait, le pauvre hère,
             Qu’entouré des enfants d’autrui,
             Il croit quelquefois être père. »
«—D’accord, dit le Manceau, mais quelquefois aussi,
             Conviens-en, l’ami, tu crois l’être ? »
«—Compère, autour de nous je ne vois, Dieu merci,
             Qu’enfants auxquels j’ai donné l’être. »
«—Poussé par le plaisir bien plus que par l’amour,
             Lovelace de basse-cour,
À demi, je le sais, tu leur donnas le jour.
             Mais quel soin les a fait éclore ?
Sous ton aile, en naissant, vinrent-ils se ranger ?
             Dans le besoin, dans le danger,
Es-tu le protecteur que leur faiblesse implore !
Entre eux et toi jamais fut-il rien de commun ?
Pas un ne te connaît, tu n’en connais pas un.
             Séparons-nous ; et puis, observe
Vers qui les conduira l’instinct reconnaissant.
Tu leur donnas la vie... une fois ; et moi, cent ;
             Chaque jour je la leur conserve.
             Les doux soins dont tu te défends,
C’est la paternité. Prodigue tes caresses :
             Tu peux avoir eu des maîtresses,
             Mais tu n’as jamais eu d’enfants. »

Fables, Livre IV (1812)

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