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La rencontre

Vous mîtes votre bras adroit,
Un soir d’été, sur mon bras... gauche.
J’aimerai toujours cet endroit,
Un café de la Rive-Gauche ;
 
Au bord de la Seine, à Paris :
Un homme y chante la Romance
Comme au temps... des lansquenets gris ;
Vous aviez emmené Clémence.
 
Vous portiez un chapeau très frais
Sous des nœuds vaguement orange,
Une robe à fleurs... sans apprêts,
Sans rien d’affecté ni d’étrange ;
 
Vous aviez un noir mantelet,
Une pèlerine, il me semble,
Vous étiez belle, et... s’il vous plaît,
Comment nous trouvions-nous ensemble ?
 
J’avais l’air, moi, d’un étranger ;
Je venais de la Palestine
À votre suite me ranger,
Pèlerin de ta Pèlerine.
 
Je m’en revenais de Sion,
Pour baiser sa frange en dentelle,
Et mettre ma dévotion
Entière à vos pieds d’Immortelle.
 
Nous causions, je voyais ta voix
Dorer ta lèvre avec sa crasse,
Tes coudes sur la table en bois,
Et ta taille pleine de grâce ;
 
J’admirais ta petite main
Semblable à quelque serre vague,
Et tes jolis doigts de gamin,
Si chics ! qu’ils se passent de bague ;
 
J’aimais vos yeux, où sans effroi
Battent les ailes de votre Âme,
Qui font se baisser ceux du roi
Mieux que les siens ceux d’une femme ;
 
Vos yeux splendidement ouverts
Dans leur majesté coutumière...
Étaient-ils bleus ? Étaient-ils verts ?
Ils m’aveuglaient de ta lumière.
 
Je cherchais votre soulier fin,
Mais vous rameniez votre robe
Sur ce miracle féminin,
Ton pied, ce Dieu, qui se dérobe !
 
Tu parlais d’un ton triomphant,
Prenant aux feintes mignardises
De tes lèvres d’amour Enfant
Les cœurs, comme des friandises,
 
La rue où rit ce cabaret,
Sur laquelle a pu flotter l’Arche,
Sachant que l’Ange y descendrait,
Porte le nom d’un patriarche.
 
Charmant cabaret de l’Amour !
Je veux un jour y peindre à fresque
Le Verre auquel je fis ma cour.
Juin, quatre-vingt-cinq, minuit... presque.

"Valentines (1885)"

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