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A l’année qui vient.

Ô toi, spectre inconnu, que l’univers ignore,
An nouveau, roi futur qui sommeilles encore
       Aux flancs profonds de l’avenir !
Du fond de ton néant, en tremblant, je t’appelle,
Être mystérieux, vrai sphinx, ma voix doit-elle
       Te redouter ou te bénir ?
 
Isis au front voilé, qu’on nomme Providence,
De quel signe ta main doit-elle, à sa naissance,
       Marquer au front l’an nouveau-né ?
Sur l’arène du temps ta voix le précipite ;
Dans l’urne du destin quel mot pour lui s’agite ?
       Sera-t-il serf ou couronné ?
 
Avenir, avenir, que nous cachent tes ombres ?
Toge de Fabius, dois-tu de tes plis sombres
       Secouer la guerre ou la paix ?
Du même ciel nous vient la foudre et la rosée ;
Nuage, contiens-tu pour la terre embrasée
       Ou des fléaux ou des bienfaits ?
 
Vieux forçat du Soleil, Terre au vol monotone,
Allons ! poursuis encore un printemps, un automne
       Dans les espaces infinis.
Avec ta Lune au flanc reprends, reprends ta route !
Dans le cercle éternel de l’éternelle voûte,
       Erre, ô symbole des bannis !
 
Sous le fouet du destin, étalon blanc d’écume,
Allons ! à coups plus prompts que ton sabot s’allume
       Dans ton cirque zodiacal !
Cours chercher les saisons aux relais de l’espace ;
Il faut le mois d’amour pour cet oiseau qui passe,
       Le mois des morts pour le chacal.
 
Sous les glaces du Nord va faire filtrer l’ambre ;
Ici récolte Avril, là retrouve Septembre :
       L’un a les fleurs, l’autre a les fruits ;
Le petit du lion attend son jour pour naître,
La rose pour fleurir, l’étoile pour paraître,
       Et les jours attendent les nuits.
 
Allons, mets cap au large ! et que, dans ta carrière,
Aucun astre perdu, comète aventurière,
       Pirate écumant le ciel bleu,
Ne vienne, dans tes mâts saccageant ton cordage,
Te couler bas d’un choc en son rude abordage,
       Mais que ton pilote soit Dieu !

Grains de mil (1854)

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