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Il avait dit un jour

Il avait dit un jour : « Que ne puis-je auprès d’elle,
( Elle, alors, c’était moi ! ) que ne puis-je chercher
Ce bonheur entrevu qu’elle veut me cacher !
Son cœur paraît si tendre ; oh ! s’il était fidèle ! »
Puis, fixant ses regards sur mon front abattu,
Du charme de ses yeux il m’accablait encore,
           Et ses yeux que j’adore
Portaient jusqu’à mon cœur. « Je te parle, entends-tu ? »
Trop bien ! A-t-il soumis mes plus chères années ?
Je n’y trouve que lui ; rien ne me fut si cher :
Et pourtant mes amours, mes heures fortunées,
           N’était-ce pas hier ?
 
Que la vie est rapide et paresseuse ensemble !
Dans ma main, qui s’égare, et qui brûle, et qui tremble,
Que sa coupe fragile est lente à se briser !
Ciel ! que j’y bois de pleurs avant de l’épuiser !
Mes inutiles jours tombent comme les feuilles
             Qu’un vent d’automne emporte en murmurant :
           Ce n’est plus toi qui les accueilles ;
           Qu’importe leur sort en mourant ?
           Eh bien ! que rien ne les arrête ;
Je les donne au tombeau ; je m’y traîne à mon tour ;
           Et, comme on oublie une fête,
           Jeune encor, j’oublierai l’amour.
Pour beaucoup d’avenir j’ai trop peu de courage ;
Oui ! je le sens au poids de mes jours malheureux,
           Ma vie est un orage affreux
           Qui ne peut être un long orage.

Élégies (1830)

#ÉcrivainsFrançais

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