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La petite fleur rose

Du haut de la montagne,
Près de Guadarrama,
On découvre l’Espagne
Comme un panorama.
 
A l’horizon sans borne
Le grave Escurial
Lève son dôme morne,
Noir de l’ennui royal ;
 
Et l’on voit dans l’estompe
Du brouillard cotonneux,
Si loin que l’oeil s’y trompe,
Madrid, point lumineux !
 
La montagne est si haute,
Que ses flancs de granit
N’ont que l’aigle pour hôte,
Pour maison que son nid ;
 
Car l’hiver pâle assiège
Les pics étincelants,
Tout argentés de neige,
Comme des vieillards blancs.
 
J’aime leur crête pure,
Même aux tièdes saisons
D’une froide guipure
Bordant les horizons ;
 
Les nuages sublimes,
Ainsi que d’un turban
Chaperonnant leurs cimes
De pluie et d’ouragan ;
 
Le pin, dont les racines,
Comme de fortes mains,
Déchirent les ravines
Sur le flanc des chemins,
 
Et l’eau diamantée
Qui, sous l’herbe courant,
D’un caillou tourmentée,
Chuchote un nom bien grand !
 
Mais, avant toute chose,
J’aime, au coeur du rocher,
La petite fleur rose,
La fleur qu’il faut chercher !

Espana (1845)

#ÉcrivainsFrançais

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