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Après la pluie

J’aime la petite pluie
    Qui s’essuie
D’un torchon de bleu troué !
J’aime l’amour et la brise,
    Quand ça frise...
Et pas quand c’est secoué.
 
–Comme un parapluie en flèches,
    Tu te sèches,
Ô grand soleil ! grand ouvert...
À bientôt l’ombrelle verte
    Grand’ ouverte !
Du printemps – été d’hiver. –
 
La passion c’est l’averse
    Qui traverse !
Mais la femme n’est qu’un grain :
Grain de beauté, de folie
    Ou de pluie...
Grain d’orage – ou de serein. –
 
Dans un clair rayon de boue,
    Fait la roue,
La roue à grand appareil,
–Plume et queue – une Cocotte
    Qui barbote ;
Vrai déjeuner de soleil !
 
– « Anne ! ou qui que tu sois, chère...
    Ou pas chère,
Dont on fait, à l’oeil, les yeux...
Hum... Zoé ! Nadjejda ! Jane !
    Vois : je flâne,
Doublé d’or comme les cieux !
 
« English spoken ? – Espagnole ?...
    Batignolle ?...
Arbore le pavillon
Qui couvre ta marchandise,
    Ô marquise
D’Amaëgui !... Frétillon !...
 
« Nom de singe ou nom d’Archange ?
    Ou mélange ?...
Petit nom à huit ressorts ?
Nom qui ronfle, ou nom qui chante ?
    Nom d’amante ?...
Ou nom à coucher dehors ?...
 
« Veux-tu, d’une amour fidelle,
    Éternelle !
Nous adorer pour ce soir ?...
Pour tes deux petites bottes
    Que tu crottes,
Prends mon coeur et le trottoir !
 
« N’es-tu pas doña Sabine ?
    Carabine ?...
Dis : veux-tu le paradis
De l’Odéon ? – traversée
    Insensée !...
On emporte des radis. » –
 
C’est alors que se dégaine
    La rengaine :
–Vous vous trompez... Quel émoi !...
Laissez-moi... je suis honnête...
   –Pas si bête !
–Pour qui me prends-tu ? – Pour moi !...
 
«...Prendrais-tu pas quelque chose
    Qu’on arrose
Avec n’importe quoi... du
Jus de perles dans des coupes
    D’or ?... Tu coupes !...
Mais moi ? Mina, me prends-tu ?
 
–Pourquoi pas : ça va sans dire !
   – Ô sourire !...
Moi, par-dessus le marché !...
Hermosa, tu m’as l’air franche
    De la hanche !
Un cuistre en serait fâché !
 
–Mais je me nomme Aloïse...
   –Héloïse !
Veux-tu, pour l’amour de l’art,
–Abeilard avant la lettre –
    Me permettre
D’être un peu ton Abeilard ? »
 
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
 
Et, comme un grain blanc qui crève,
    Le doux rêve
S’est couché là, sans point noir...
Donne à ma lèvre apaisée,
   « La rosée
D’un baiser-levant – Bonsoir –
 
« C’est le chant de l’alouette,
    Juliette !
Et c’est le chant du dindon....
Je te fais, comme l’aurore
    Qui te dore,
Un rond d’or sur l’édredon. »

Les Amours jaunes (1873)

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