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Soirée d’hiver

               À Édouard Leconte.
 
 
Au coucher du soleil, toute la forêt semble
Dans le recueillement : touffes de chênes roux,
Petits genévriers, maigres buissons de houx,
N’ont pas dans la lumière une feuille qui tremble.
 
On n’entend qu’un oiseau, travailleur attardé,
Dans le canton lointain des châtaigniers antiques ;
On écoute à travers les grands bois pacifiques
Le pivert, dont le bec fait un bruit saccadé ;
 
Étrange oiseau, connu de cet homme qui passe
Dans la lueur tranquille et pure du couchant ;
Ce n’est pas un vieillard qui se traîne en marchant,
Dont l’échiné se courbe et dont la jambe est lasse ;
 
C’est un rude piéton sortant de la forêt
Tout chargé de bois mort.—Son pas ferme s’allonge :
Il a vu le soleil, comme une grosse oronge,
Qui, là-bas, s’enfouit dans l’herbe et disparaît.
 
Il marche allègrement... le fond du cœur rumine
Quelque chose d’heureux... Dans le ciel clair et froid
Monte un fil de fumée, un long fil bleu tout droit...
Son vieux masque rugueux et tanné s’illumine.
 
Dans ce pli du terrain où finit l’horizon
Il n’arrivera pas avant la nuit peut-être ;
Mais il a sur l’épaule un riche feu de hêtre
Pour égayer les coins de toute la maison.
 
Là, sous un toit moussu, fenêtre et porte closes,
À l’heure du berceau, les enfants réjouis
Ouvriront de grands yeux par la flamme éblouis,
Quand il déchaussera leurs chers petits pieds roses.

Les charmeuses (1864)

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