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Le reflet dans la glace fête foraine

Le point de l’appareil montre le regard fixe
Le regard
Le hasard des mots venant au bout des doigts du monstre
Le retard du lever de la toile
Sous les lampes vides et presques mortes
Dans le vent plein d’eau et de secrets
Il vient des rues fermées du faubourg noir qui rampe
 
Il vient des boulevards que traverse de loin un passant attardé
 
Il sort du trou grillé où l’odeur de la ville s’engouffre tout le jour
Il naît et meurt entre les mille murs
Mais il monte aussi haut et aussi bien que l’air du large
Plein de lampes
 
de suie
 
et de brouillard
Dans ce ciel des lueurs s’agglomèrent en boule aux quatre coins
 
Sur ces rampes filent des paquets de foule qui hurlent contre les toiles raides et claquent des dents
 
Car tout se passe aux plus hautes températures à
 
toutes les hauteurs
 
Comme si les rougeurs des langues et des lèvres
 
remplaçaient le mercure
 
Pourtant les joues sont en feu sous la pluie tamisée
 
mêlée d’éclairs
 
Personne ne se lasse que cette exposition représente
 
pendant des kilomètres des visions répétées de parades
 
foraines
 
Même certaines de ces innombrables têtes se laissent
 
aller par moment et s’endorment
 
Ce qui peut alors laisser croire que le tableau s’est
 
animé
 
Les lutteurs semblent avoir une peau réelle qui se
 
gonfle
 
On voit frissonner les cordes et les nerfs
 
On entend aussi les voix des portes
 
La lumière tremble
 
Et le bruit meurt
 
Tout recommence
Enfin c’est cette vie qui en réalité n’existe pas
Ce qui avance ce sont ces têtes innombrables
Ce qui bouge ce sont ces épaules qui plient sous le brouillard
 
Et ce qui brille ce sont les yeux vivants des spectateurs
 
Le reste est aussi mort que les grandes façades
 
Aussi muet que l’angle du trottoir
Il y a derrière un appareil qui fixe le regard
Une machine à part qui fait tourner la terre
 
Un mouvement de vague aussi faux que le
 
rouge du fard
 
le sang contre la joue la main autour du marbre
Et la nuit trop épaisse qui écrase la tour
Là dedans personne ne verra ce qui se passe
Ni ce qu’il y a
Le froid efface toutes ces lignes mortes
Et l’intérêt qui ne tient pas les âmes peintes
 
les cartons de travers
 
les rires à côté du cœur l’or
 
l’écume le vêtement déteint
 
A tous les bruits de cuivre le carré des fenêtres la lumière du jour
Et tous ces amateurs qui se préparent
 
ces rôles distribués à leur bonheur
Rien ne se joue
 
Rien ne résiste
Au passage violent des cris qui se meurtrissent et retombent en paroles précises
 
sur le front creusé des promeneurs
Et alors le repos est plus glacé
 
que ces champs vides les lustres sont tombés dans l’éclat du ruisseau
Les marbres du palais sont au niveau des flaques
Et la femme toujours tragique
 
au bord de l’eau
Au bord de la nuit qui se ferme
Contre le mur désert où l’ombre est attachée
Tout ferait peur au milieu de ce monde
 
dans le monde
 
où la musique a un autre air les pas comptés un autre nombre
Et la glace un autre reflet
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