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La pipe au poète

Je suis la Pipe d’un poète,
Sa nourrice, et : j’endors sa Bête.
 
Quand ses chimères éborgnées
Viennent se heurter à son front,
Je fume... Et lui, dans son plafond,
Ne peut plus voir les araignées.
 
... Je lui fais un ciel, des nuages,
La mer, le désert, des mirages ;
–Il laisse errer là son œil mort...
 
Et, quand lourde devient la nue,
Il croit voir une ombre connue,
–Et je sens mon tuyau qu’il mord...
 
–Un autre tourbillon délie
Son âme, son carcan, sa vie !
... Et je me sens m’éteindre. – Il dort –
 
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
 
–Dors encor : la Bête est calmée,
File ton rêve jusqu’au bout...
Mon Pauvre !... la fumée est tout.
–S’il est vrai que tout est fumée...
 
                                     Paris. – Janvier.

Les Amours jaunes (1873)

#ÉcrivainsFrançais

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