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Le chardon et la rose

                         Fable I, Livre III.
 
 
             Toi qui, peintre et rival de Flore,
Comme elle à la nature empruntes les couleurs
             Dont se parent toutes les fleurs
             Que sous tes doigts on voit éclore,
             Que je porte envie à ton art !
Tout est rose pour toi. Plus tes tableaux fidèles
             Se rapprochent de tes modèles,
Et plus on t’applaudit ; et moi, si par hasard
             J’ose crayonner quelque page,
D’un tout contraire accueil je suis souvent payé.
Et je plais d’autant moins au modèle effrayé
             Que j’ai mieux tracé son image.
À ses yeux qu’ai-je offert en effet ? maint défaut,
Maint travers. Cher ami, dans le siècle où nous sommes
Tout est vice ou sottise ; et, pour charmer, il faut
             Peindre les fleurs et non les hommes.
 
             La fleur du chardon se carrait
Au milieu des piquants dont sa tige est armée ;
Et sans plus de façons, d’elle-même charmée,
             À la rose se préférait.
« Je suis plus qu’elle encore et sévère et pudique,
Car on la vit parfois s’humaniser un peu.
Quant à moi, qu’on approche, et l’on verra beau jeu !
Ma devise est, enfin : Qui s’y frotte s’y pique.
             «—Et pourquoi s’y frotterait-on ? »
Dit un jeune berger qui cherchait aventure :
« Pour jouir d’une rose on brave une blessure ;
Mais se fait-on piquer pour cueillir un chardon ? »

Fables, Livre III (1812)

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