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Le flot berceur

Les rafles d’or sur le ravin des vagues
Quand les feuillets de la mer se replient page par page
 
Au bruit du vent
 
Et des portées des voiles
On commence à s’habituer à tous ces airs
A la couleur de l’eau
Au mouvement des planches
Au goût amer
Le phare a glissé ses ciseaux dans les draps de soleil
Et les bateaux s’en vont sur l’amarre
Le cabestan défait tourne et enroule le port que ronge un peu la nuit
On chante
Le sable est balayé
Les lumières du fond de la colline ou bien du casino
La voix de l’âne
Au couchant
 
Le soleil s’arrête comme un nid en feu dans les peupliers
Et la voiture grince au détour du chemin qui finit sous la haie
 
Le marais sec déteint
 
Les plantes sont plus rares
Et le train souligne la montagne en la longeant
On suit de l’oeil
Le pays neuf
La terre propre
Les pierres mieux polies par l’ombre du matin
Puis les nuages sèchent
 
Près des rayons tordus d’autres astres se dressent
 
Montent de l’eau
Des rochers écumeux
Qui soufflent
Et tout change de place
 
La cabane est venue au levant
La pointe au cap levé derrière les ombrelles
On ne voit que le jour
 
Les maisons disparaissent
Les arbres s’évaporent
Derrière le remblai le claquement des mains
On entend tous les bruits mais les yeux sont éteints
Le feu grille l’atmosphère et la peau de la terre craque
 
Le cheval décharné traverse le tunnel
Et la montagne siffle la queue perdue au bord des cils humides de la mer
Sous les pattes de cet animal de terre mouvante l’eau circule luisante et tiède
 
Pendant que les plantes se dressent dans les replis des roches
Que les lames s’enflamment
Et que le vent qui sort des tuyaux des machines
 
des cheminées d’usines des soutes des navires
Plus noir plus lourd
Soulève la poussière qui va se figer dans les endroits humides
 
En pyramides
En cercles mosaïques
Ou en simulacres de chaînes montagneuses irréelles
 
En cendre de cigare
Puis la fraîcheur revient avec le soir qui cache l’incendie
 
Les voyageurs se promènent en noir
 
Sur la jetée
Sous le reflet luisant qui entoure leur tête
Sur les pierres brûlées qui retiennent la peau
Elles font partie de l’eau
Elles continuent le corps
Et les poissons battent le feu de leurs nageoires
A travers le sillage où bouillonne l’acier
 
Les étoiles prennent des formes de méduses de poissons aveugles de matières grasses
Et un homme
 
Un seul
 
Demeure au bout du port
Il tient sa tête détachée entre ses mains et rit plus fort
 
Tandis que la mer au sanglot de sa gorge se calme et se balance
 
O grand phare
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