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La salamandre

Théâtre

I
 
Et maintenant tu es Douve dans la dernière chambre d’été.
 
Une salamandre fuit sur le mur. Sa douce tête d’homme répand la mort de l’été. « Je veux m’abîmer en toi, vie étroite, crie Douve. Éclair vide, cours sur mes lèvres, pénètre-moi !
 
« J’aime m’aveugler, me livrer à la terre. J’aime ne plus savoir quelles dents froides me possèdent. »
 
II
 
Toute une nuit je t’ai rêvée ligneuse. Douve, pour mieux t’offrir à la flamme. Et statue verte épousée par l’écorce, pour mieux jouir de ta tête éclairante.
 
Éprouvant sous mes doigts le débat du brasier et des lèvres : je te voyais me sourire. Or, ce grand jour en toi des braises m’aveuglait.
 
III
 
« Regarde-moi, regarde-moi, j’ai couru ! »
 
Je suis prés de toi, Douve, je t’éclaire. Il n’y a plus entre nous que cette lampe rocailleuse, ce peu d’ombre apaisé, nos mains que l’ombre attend. Salamandre surprise, tu demeures immobile.
 
Ayant vécu l’instant où la chair la plus proche se mue en connaissance.
 
IV
 
Ainsi restions-nous éveillés au sommet de la nuit de l’être. Un buisson céda.
 
Rupture secrète, par quel oiseau de sang circulais-tu dans nos ténèbres ?
 
Quelle chambre rejoignais-tu, où s’aggravait l’horreur de l’aube sur les vitres
 
Quand reparut la salamandre, le soleil
Était déjà très bas sur toute terre,
Les dalles se paraient de ce corps rayonnant.
Et déjà il avait rompu cette dernière
Attache qu’est le cœur que l’on touche dans l’ombre
 
Sa blessure créa, paysage rocheux, Une combe où mourir sous un ciel immobile. Tourné encor à toutes vitres, son visage S’illumina de ces vieux arbres où mourir.
 
Cassandre, dira-t-il, mains désertes et peintes, Regard puisé plus bas que tout regard épris, Accueille dans tes mains, sauve dans leur étreinte Ma tête déjà morte où le temps se détruit.
 
L’Idée me vient que je suis pur et je demeure Dans la haute maison dont je m’étais enfui. Oh pour que tout soit simple aux rives où je meure Resserre entre mes doigts le seul livre et le prix.
 
Lisse-moi, farde-moi. Colore mon absence. Désœuvré ce regard qui méconnaît la nuit. Couche sur moi les plis d’un durable silence, Éteins avec la lampe une terre d’oubli.
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